HOSTILE

 
 

Des dispositifs d’exclusion, que l’on croise au coin des rues, rendent l’habitat moins aimable et inhospitalier. Il s’agit d’une intervention architecturale dans l’espace public, une architecture « défensive » (defensive architecture), « hostile » (hostile architecture), un « design repoussant » (unpleasant design).

J’ai décidé d’aborder le sujet de l’exclusion par les dispositifs de sécurisation mis en place pour empêcher les gens de s’installer dans l’espace public. Alerter, éduquer le regard à ces pics, barres, poteaux et plans inclinés que l’on voit partout et que l’on ne comprend pas forcément.

Si la population de sans-abris a doublé en dix ans en France, nous pouvons nous interroger sur la viabilité de ces installations qui stigmatisent et écartent une population ciblée, trop marginale pour être la bienvenue dans l’espace public. De manière insidieuse, cette population indésirable est assignée à un processus d’invisibilisation.

En abordant ces dispositifs, j’ai été étonné par le côté sculptural des objets. Je les ai alors photographié comme des natures mortes, lumière qui participe à une mise en valeur plastique du dispositif. Les faire ressortir en favorise leur lisibilité. L’ombre porté de l’objet qu’en à elle en favorise la compréhension de sa fonction et ainsi apporte un questionnement de la présence, du sens de ces installations dit de sécurisation. Dispositif non seulement défensif mais aussi mis en évidence de la peur de l’étranger, de la pauvreté (pauvrophobie) qui viendrait mettre en danger une ville conforme aux normes.

La réappropriation de l’espace est un geste qui m’intéresse. Dans ce travail participatif nous avons créé des sit-in in situ afin de reprendre place, rendre visible et questionner l’interaction entre l’homme et l’objet. 

Car loin de n’être que des espaces utilitaires, la rue, le passage, la place, le parvis, le trottoir, tout ce qui se passe entre les bâtiments… sont avant tout des lieux de vie, de partage. Le mobilier urbain est important car c’est un élément avec lequel le citoyen interagit, et lui permet de se reposer, de rencontrer, d’échanger et d’envisager la ville comme un espace social, pas simplement comme un espace marchand dans lequel on est tenu de consommer et de circuler. 

Ce travail photographique cherche à rendre visible l’invisibilité des procédés de négativité qui nous atteint tous en tant qu’habitant et la confiscation de la possibilité du vivre ensemble, où l’individu existe, s’enracine, se déploie et s’invente.

Nous avons tous besoin d’une ville de la reconnaissance et non plus du mépris, d’une architecture accueillante et non plus défensive, bienveillante et non plus hostile. Nous avons besoin d’une architecture de l’égard.

Paris, France - 2022/2023